Le gène égoïste
Pourquoi vieillit-on ? Pourquoi est-on condamné à disparaître ? En 1999, Thierry Souccar a présenté dans Le Programme de Longue Vie, le livre qu'il a écrit avec Jean-Paul Curtay sa vision personnelle du vieillissement. En voici une synthèse.
C’est l’histoire d’un monstre d’arbre. Le séquoia (Sequoia gigantea) étend fréquemment ses branchages 100 m au-dessus du sol. Et dur à cuire, avec ça. La plupart des individus, que l’on rencontre entre 1 000 et 1 500 m d’altitude, dépassent 1 500 ans. Un âge qui force le respect. Mais les individus qui poussent vers 2 500 m ne font pas dans la demi-mesure. Ils dépassent gaillardement... 5 000 ans. Cette extraordinaire longévité s’explique par le fait qu’à ces altitudes, il y a moins d’insectes prédateurs, et moins de compétition entre individus. Le plus surprenant est qu’une telle endurance est accidentelle. Elle est due, comme l’a montré le biologiste américain Ronald Lanner, aux facéties d’un oiseau qui ramasse et cache les graines du séquoia bien au-delà de l’altitude à laquelle elles sont d’ordinaire dispersées par les vents. Ainsi, la longévité record d’une espèce vivante doit-elle tout à une modification (accidentelle) de son environnement !
L’espérance de vie n’est probablement pas fixée dans les gènes
Jusqu’à une date récente prévalait le dogme que chaque espèce possède une espérance de vie maximum, une échéance inscrite dans les gènes à la manière d’une horloge, d’un programme qui s’arrêterait de tourner une fois le temps écoulé. Les défenseurs de cette hypothèse font valoir que les cellules normales des mammifères ne peuvent se diviser indéfiniment in vitro, comme l’a montré Leonard Hayflick dès 1961 avec des cellules spécialisées de la peau, les fibroblastes. Au-delà de 50 divisions, les fibroblastes entrent dans un état de fonctionnalité réduite – la sénescence. La « limite Hayflick » paraît liée à l’existence, à l’extrémité des chromosomes (qui portent notre programme génétique), de structures appelées télomères. A chaque division cellulaire, l’extrémité des télomères s’érode. Lorsqu’il n’en reste plus, les chromosomes deviennent instables : c’est un signal envoyé à la cellule pour qu’elle interrompe son cycle de divisions.
Cependant, la théorie de l’horloge biologique a de moins en moins de défenseurs. Les observations in vitro sont contredites par des recherches conduites in vivo, qui suggèrent que des cellules humaines et animales continuent de se reproduire bien après que la « limite Hayflick » ait été atteinte, sans montrer aucun des signes de dégénération relevés in vitro. Des essais de transplantation chez l’animal indiquent d’ailleurs que certaines cellules pourraient se reproduire indéfiniment. Même constat avec les télomères : chez le nématode (une variété de ver), le vieillissement se poursuit alors même qu’aucune cellule ne se divise. Et les souris vieillissent et meurent en dépit de longs télomères.
Surtout, les chercheurs dans leur majorité pensent que ce ne sont pas les cellules dotées de la capacité de se diviser qui pèsent le plus sur le vieillissement, mais bien les cellules qui ne se renouvellent pas ou peu, et qui constituent les muscles, le cœur ou les tissus nerveux. « L’idée d’une limite fixe à la longévité humaine ne repose pas sur des bases scientifiques solides, souligne le démographe John Wilmoth (université de Californie, Berkeley). Je pense qu’il s’agit d’un mythe. Je ne crois pas que nous puissions vivre éternellement, mais personne n’a encore été capable de trouver de limite fixe à l’espérance de vie humaine. »
Selon Caleb Finch (Université de Californie du Sud, Los Angeles), l’exemple du séquoia, et d’autres exemples tirés de la nature « suggèrent qu’aucune limite ferme n’est bâtie dans le génome humain. » Cette déclaration est d’autant plus remarquable qu’elle vient de celui qui est considéré comme l’un des grands spécialistes de la génétique du vieillissement, un chercheur qui a consacré l’essentiel de sa carrière à mettre en évidence le rôle des gènes dans la longévité ! Mais il faut bien avouer que la recherche d’éventuels gènes de longue vie chez l’homme n’a jusqu’ici pas donné grand chose. Et l’hérédité n’expliquerait qu’à 25 ou 35% les différences de longévité entre vrais jumeaux.
Caleb Finch fait remarquer que des poissons femelles du Pacifique nord, pourtant âgées de 140 ans, portent des œufs abondants, récents, sans montrer aucun des signes de la sénescence. Le fait que ces animaux paraissent échapper au vieillissement est, dit-il, une indication que le processus lui-même n’est pas inévitable. « La plasticité du vieillissement, dit-il, suggère que ce phénomène dépend de facteurs hormonaux et environnementaux, et pas d’un programme génétique. »
Si l’espérance de vie ne dépend que modérément des gènes, alors il faut conclure avec Caleb Finch que l’environnement module l’essentiel de la durée de vie des organismes vivants, la nôtre, bien sûr, mais aussi celle des autres animaux et des plantes.
La durée de vie des organismes qui se reproduisent sexuellement varie d’un facteur supérieur à 1 million, de la levure au séquoia, le record de longévité de Jeanne Calment plaçant l’homme dans le haut de cette échelle.
Organismes | Durée maximale de vie |
Levure | 2-4 jours |
Nématode | 30 jours |
Mouche drosophile | 60 jours |
Octopus | 3-4 ans |
Saumon du pacifique | 3-6 ans |
Souris | 4,2 ans |
Rat | 4-5 ans |
Lapin | 10-13 ans |
Tarentule | 15 ans |
Chat | 20-30 ans |
Singe rhésus | 30-40 ans |
Oie | 30-40 ans |
Ours | 40 ans |
Chimpanzé | 45 ans |
Alligator | 50-60 ans |
Anémone | 50-90 ans |
Homard | 50-100 ans |
Eléphant d’Afrique | + 70 ans |
Bambou | 120 ans |
Homme | 122,4 ans |
Tortue | 150 ans |
Puya raimondii (cousin de l’ananas) | 150 ans |
Esturgeon | 152 ans |
Conifères autres que séquoia | 300-1 500 ans |
Séquoia | 4862 ans |
Nos enfants vivront cent ans (s’ils gèrent prudemment leur capital physiologique et psychique)
« On pouvait toujours se dire, rappelle Jean-Marie Robine (INSERM), que la durée de vie maximale pour l’homme, la valeur absolue, c’était cent dix ans – on disait ça il y a pas si longtemps – puis cent quinze, cent vingt ans. Et puis Jeanne Calment est arrivée ! Elle a franchi successivement toutes ces limites. Et, depuis plus personne n’avance un chiffre ! » A 122 ans, 4 mois et 15 jours, Jeanne Calment fut la première à repousser la limite des 120 ans, la fameuse barrière d’espèce. Elle sera bientôt suivie par des dizaines de milliers de personnes dans le monde. L’Organisation Mondiale de la Santé prévoit que 20% des enfants nés aujourd’hui peuvent espérer atteindre 100 ans (ce qui laisse penser que statistiquement, Jeanne Calment ne restera pas longtemps seule).
Préparez-vous à une longue vie
En réalité, nous sommes tous concernés par l’augmentation de l’espérance de vie. Depuis un siècle, elle a crû de plus de 30 ans. Comme le fait remarquer le Pr Etienne-Emile Baulieu, directeur de l’INSERM U33 (Le Kremlin Bicêtre), « l’accroissement de la durée de vie continue encore dans nos pays avancés alors qu’il n’y a pas de modifications fondamentales ni en médecine, ni dans la distribution des ressources entre les riches et les pauvres. Par exemple, depuis 1970, dans notre pays, l’espérance de vie s’est encore accrue de presque une année tous les 4 ans. » De nombreux spécialistes du vieillissement pensent qu’une bonne partie de ceux d’entre vous qui sont nés après la seconde guerre mondiale célébreront leur 100ème anniversaire. D’autant que la science identifie avec de plus en plus de précision les moyens de vivre plus longtemps en bonne santé, par la nutrition, l’exercice et la recherche de l’équilibre. Et que la médecine anti-âge fait enfin des percées. Avec l’utilisation de plus en plus plus fine de compléments hormonaux non toxiques, comme les oestrogènes et la progestérone biomimétiques chez la femme ménopausée, la testostérone chez l’homme âgé, les promesses de la DHEA (déhydroépiandrostérone) de l’hormone de croissance, des hormones thyroïdiennes, de la mélatonine. Ces compléments polyhormonaux, qui ont déjà changé la vie de milliers de personnes dans le monde, vont se généraliser. Ils seront rejoints par des protocoles qui relèvent encore un peu de la science fiction : aliments qui miment la restriction calorique, cellules souches pour fabriquer de nouveaux tissus cardiaques, cérébraux, endocriniens ; thérapie génique… Comme le dit le Pr Michael Rose (université de Californie, Irvine), « La seule limite pratique à l’espérance de vie humaine, c’est la limite de la technologie humaine. » « Les efforts pour modifier le vieillissement par les médicaments, la nutrition, les changements de mode de vie sont totalement cohérents avec la plasticité observée dans de nombreuses espèces, » observe d’ailleurs Caleb Finch. Voilà les défis auxquels fait aujourd’hui face l’humanité : identifier les moyens d’allonger la vie en bonne santé, mais aussi bien sûr mettre en place les conditions d’une médecine prédictive.
Pourquoi on vieillit, pourquoi on meurt
Contrairement à ce que l’on pense, je voudrais dire ici que les raisons pour lesquelles nous sommes condamnés à vieillir, puis à mourir, sont connues.
De nombreux chercheurs pensent que les ressources énergétiques d’un être humain sont limitées, parce que nous utilisons comme source d’énergie deux composés particulièrement toxiques : le glucose et l’oxygène. L’oxygène abîme les principaux composants de l’organisme, à commencer par les centres de production de l’énergie, les mitochondries, de minuscules centrales énergétiques nichées dans nos cellules. Le glucose, lui, se lie aux protéines des tissus et finit par les dénaturer, altérant peu à peu le bon fonctionnement des organes. Il peut paraître singulier que les deux substances qui nous sont absolument nécessaires pour vivre sont celles qui nous conduisent à la mort.
Les gènes sont immortels
Ca l’est moins si l’on admet, comme je l’ai proposé dans Le Programme de longue vie, que le grand bénéficiaire des formes de vie qui grouillent sur la terre depuis 4 milliards d'années, c'est celui qui les a engendrées, c'est-à-dire l'ADN dont sont constitués les gènes de tous les êtres vivants, qu'il s'agisse de paramécies, de philodendron ou de chauve-souris. Les gènes sont immortels parce qu'ils sont transmis à l'identique depuis des millions d'années par les espèces qu'ils habitent. L’arrangement particulier des bases de l’ADN que vous portez cessera d’exister au moment de votre mort : sa durée de vie est très précisément égale à la vôtre. Mais les petits fragments qui, ensemble, constituent votre ADN ne vont pas disparaître pour autant.
Si vous avez des enfants, vous pourriez vous amuser à faire identifier dans leur ADN cellulaire les minuscules morceaux qui vous appartenaient, et que vous leur avez transmis. Bien sûr, il ne s’agit pas au sens strict du même fragment, mais de sa copie exacte. A bien y réfléchir, ce fragment ne vous appartient pas vraiment. Peut-être vous a-t-il été transmis par votre père ? Dans ce cas, lui-même l’a reçu de l’un de ses parents. En réalité, de très petits gènes isolés dans les cellules de votre fils ou de votre fille ont probablement été assemblés il y a plusieurs millions d’années dans le testicule ou l’ovaire d’un lointain hominidé !
Non seulement ce gène a voyagé plusieurs centaines de milliers d’années pour parvenir jusqu’à votre fils, mais il y a de fortes chances pour qu’il soit au même moment abrité par des milliers de personnes : les cousins de vos enfants, bien sûr, mais aussi des gens dont vous ignorez jusqu’à l’existence, et qui l’ont reçu d’un ancêtre commun. Les gènes sont immortels. Richard Dawkins, un biologiste de l’université d’Oxford, fut, en 1976, le premier à en illuminer les implications sur le plan de l’évolution.
Le gène égoïste
Architectes du vivant, « les gènes, dit Dawkins, sont en partie responsables de leur propre survie dans le futur. » Cette survie dépend de la survie du corps qu’ils ont contribué à construire. Elle dépend in fine de la capacité d’une enveloppe de chair à survivre suffisamment longtemps pour se reproduire avant qu’il soit trop tard. Nous sommes, dit-il en substance dans son livre le plus célèbre - « Le gène égoïste », des véhicules au service de l’immortalité des gènes. Cette idée agace, parce que nous avons coutume de considérer les 46 chromosomes que nous portons comme faisant partie de notre patrimoine : bons ou mauvais, efficaces ou défectueux, ils seraient « au service » de notre séjour sur terre. Le paradigme du gène « égoïste » nous oblige à reconsidérer cette relation : nous sommes le fruit de nos gènes. Si nous nous reproduisons, si nos enfants de nos enfants se reproduisent, et s’il en va de même de génération en génération ils nous survivront des millions et des millions d’années, jusqu’au crépuscule des temps.
C’est la raison pour laquelle les êtres vivants sont programmés par leurs gènes pour se reproduire le plus tôt possible, transmettre leur précieux patrimoine avant qu’un prédateur (une voiture, un virus, un animal sauvage, etc…) ne les prive de cette opportunité, avant, surtout, que l'environnement ait infligé des dégâts irréparables à l'ADN. Avec le temps, en effet, la matière organique subit des dommages. Le caoutchouc se fissure. Les corps gras rancissent. La peau se ride. Les gènes n’échappent pas à cette règle universelle. Au cours de la vie, ils accumulent des altérations, qui sont dues aux radiations, aux polluants chimiques ou simplement à la délicate cohabitation avec l’oxygène. Au fur et à mesure des jours, des mois, des années qui passent, la structure même de l’ADN peut être altérée. Ces modifications, qui apparaissent à tout moment sur nos gènes sont dangereuses. Des erreurs dans le code génétique peuvent entraîner l’apparition de cellules anormales, qui pourraient signer le départ d’un cancer. Elles sont réparées par des enzymes spécialisées. Lorsque les erreurs qui affectent un chromosome sont trop importantes, la sexualité vient à la rescousse : comme nous héritons de deux copies d’un chromosome, l’une de notre père, l’autre de notre mère, il existe le plus souvent une copie en bon état, capable de compenser la défaillance de l’autre.
Le sexe, bon pour les gènes
C'est dire l'importance de la sexualité, notre sexualité pour les pelotes d'ADN qui se nichent dans nos cellules. La reproduction est chevillée au corps du vivant parce qu’elle favorise l’immortalité et l’intégrité des gènes. Le sexe est bon pour les gènes. Depuis l’aube des temps, les gènes ont fabriqué des véhicules – les êtres vivants – pour servir leur grand voyage d’immortalité. Des taxis certes sophistiqués, mais des taxis tout de même. La poule n’est que le moyen qu’a trouvé l’oeuf de faire un autre œuf. L’énergie disponibles étant limitée, les gènes préfèrent que nous l’utilisions pour nous engraisser, croître, parvenir au plus tôt à maturité sexuelle, afin d’accomplir la tâche pour laquelle nous sommes programmés : nous reproduire et disséminer leur ADN.
Par rapport à d’autres espèces vivantes, nos gènes ont privilégié l’utilisation de glucose et d’oxygène parce que ces deux substances permettent de produire des quantités considérables d’énergie, qui ont été mises à profit au cours de l’évolution pour fabriquer des véhicules de plus en plus performants, dotés de cellules spécialisées, de muscles, d’un cerveau, de terminaisons nerveuses. Peu importe pour l’ADN que le glucose et l’oxygène soient à la longue particulièrement toxiques pour les véhicules qui les utilisent. A partir du moment où nous avons accompli notre fonction reproductrice, nous ne présentons plus guère d’intérêt pour l’ADN. Celui-ci a pris possession d’un autre véhicule – nos enfants, qu’il va s’attacher à développer du mieux possible pour poursuivre son voyage dans l’éternité.
Pourtant, l’évolution aurait pu trouver des moyens de nous protéger efficacement contre les dégâts de l’oxygène (les fameux radicaux libres) en nous dotant de mitochondries performantes, d’enzymes antioxydantes, de systèmes de réparation sophistiqués. Elle aurait pu nous prémunir contre les atteintes du glucose, en nous équipant systématiquement de deux organes : deux coeurs, deux cerveaux. L’un étant réparé pendant que l’autre était en fonction.
Mais du « point de vue » des gènes, cette manière d’utiliser l’énergie, c’est du gaspillage pur et simple, car elle ne sert pas directement l’intérêt de l’ADN. Elle n’a donc pas été retenue par l’évolution, si ce n’est en partie (nous possédons certains organes en double, et des systèmes de protection et de réparation qui nous permettent de résister quelques décennies).
De la naissance à la puberté, les systèmes génétiques de protection et de réparation de l’organisme sont efficaces. On peut dire que le gène égoïste bichonne le véhicule tout neuf qui va le transporter. Après la puberté, les intérêts divergent, parce qu’à ce moment, nous sommes censés avoir accompli la tache pour laquelle nous avons été créés : la reproduction, et la dissémination de l’ADN. De fait, c’est après la puberté que les premiers signes de vieillissement de l'organisme apparaissent : l’immunité diminue, la protection antioxydante s'affaiblit, la densité osseuse atteint un plateau avant de régresser. Tout se passe comme si les gènes se désintéressaient alors de notre destin de véhicule, alors que nous, nous nous battons pour survivre.
Alors que faire ? Dans Le programme de longue vie, le livre que j’ai écrit avec mon ami Jean-Paul Curtay, j’ai avancé l’hypothèse que tout ce qui sert trop ouvertement l’intérêt des gènes est porteur d’un vieillissement accéléré. Dans toutes les espèces, les individus qui se nourrissent trop parviennent à maturité sexuelle plus tôt et meurent plus jeunes. L’excès de sucres et amidons raffinés entraîne la sécrétion massive d’insuline, une hormone qui sert l’intérêt des gènes, dans la mesure où elle active la prolifération cellulaire, donc le développement tout entier de l’organisme. Malheureusement, elle pourrait, chez certains, faciliter l’apparition de cancers et de diabète. A l’inverse, la restriction calorique (sans malnutrition) retarde l’âge de la puberté et augmente l’espérance de vie dans 40 espèces animales.
Il ne s’agit pas de manger moins, mais plutôt de choisir les aliments les plus denses en nutriments, les moins denses en calories, les moins glycémiants. Mieux vaut consommer les autres avec parcimonie, pour le plaisir. Enfin, parce que les données issues de la recherche sont éloquentes, nous avons clairement pris position en faveur de la prise à doses modérées de suppléments de vitamines et minéraux (sans fer, qui ne doit être donné qu’en cas de déficit avéré), et, pour ceux qui souhaitent aller plus loin, la prise d’antioxydants à doses supra-nutritionnelles.
Manger pour vivre vieux, manger pour vivre mieux
En dépit de ses limitations, et de l’importance d’autres facteurs dans les mécanismes du vieillissement, l’alimentation apparaît donc comme un levier puissant vers la longévité et le bien-être. Les chercheurs sont aujourd’hui d’accord pour dire que c’est l’environnement, et non l’hérédité (les gènes) qui contribuent le plus au risque de maladies chroniques comme le cancer ou les maladies cardio-vasculaires. Pour prendre l’exemple du cancer, l’environnement expliquerait 70% des cancers, dont 30% attribués au seul tabac et 40% à l’alimentation et au mode de vie. Les experts s’accordent pour dire que des « modifications alimentaires », accompagnées d’un minimum d’activité physique peuvent réduire de 30 à 40% l’incidence de ces maladies chroniques. Malheureusement, la France, pays de la bouffe sanctifiée, entretient un rapport symbolique avec la nourriture, volontiers parée de toutes les vertus. Il y est difficile de faire passer le message que, décidément, les Français ne se nourrissent pas si bien que ça. « J’ai le sentiment, dit à juste titre le Pr Pr Jeffrey Blumberg, directeur du Laboratoire de recherche sur les antioxydants à l’université Tufts de Boston (Massachusetts) que la France a un problème avec la nutrition : de très nombreux responsables, de très nombreux médecins ne veulent pas admettre que l’alimentation française n’est pas parfaite. »
De vraies recommandations nutritionnelles
L’industrie agro-alimentaire aimerait nous faire croire qu’il n’y a pas d’un côté de « mauvais » aliments, et de l’autre de « bons » aliments. Un discours proche de celui que tiennent la plupart des nutritionnistes français en faisant la promotion d’un « manger varié et équilibré » vaguement balisé par le Programme national nutrition santé, dont j’ai relevé dans Santé, mensonges et propagande les risques pour la santé (en fait, je montre, études à l’appui, que les personnes qui suivent les recommandations du PNNS, notamment en mangeant plus de céréales, de féculents et de laitages s’exposent à un risque accru de maladies chroniques).
Vous hésitez pour votre petit déjeuner entre des corn flakes (aliment artificiel, à l’index glycémique record) et des flocons d’avoine (aliment naturel, bénéfique à la santé cardio-vasculaire) ? Pour de nombreux nutritionnistes, les deux sont « riches en fibres, » donc interchangeables. Pour votre huile de table, tournesol (déséquilibrée car pauvre en oméga-3) ou colza (équilibrée) ? Ces mêmes nutritionnistes vous conseilleront, comme le font d’ailleurs les experts du PNNS, de « varier » les huiles au prétexte qu’elles sont « polyinsaturées. »
Face à la diversité et la nouveauté à laquelle nous sommes en permanence exposés, la question se pose inévitablement du choix alimentaire. « Manger autrement, indique le Dr Jean-Michel Lecerf (Institut Pasteur de Lille), c’est apprendre à faire des choix en diverses circonstances, au restaurant, au fast-food, au self, lors de l’apéritif, pour le pique-nique... et faciliter ces choix au quotidien. »
Charcuterie ou crudités ? Steak grillé ou poisson vapeur ? Fruit ou yaourt ?
Aujourd’hui, les gens attendent des spécialistes de nutrition qu’ils les aident à mieux choisir leurs aliments dans un souci de maintien de la santé. « Jusqu’ici, les préconisations alimentaires n’ont pas changé la qualité de vie de ceux qui les suivaient, parce qu’elles ne s’appuyaient pas sur suffisamment de science, » indique le Pr Jeffrey Blumberg (université Tufts, Boston), membre du conseil scientifique de lanutrition.fr. D’où la frustration du grand public, ballotté au gré des décennies entre des messages alimentaires contradictoires pour ne pas dire folkloriques.
Tout change à présent : plus de 80 000 nouvelles études scientifiques ont été publiées l’an dernier dans le domaine de la nutrition, faisant de cette discipline la toute première des sciences de la vie. Même si le champ à défricher reste considérable, des percées fondamentales ont été réalisées : « La nutrition est le moyen le plus puissant dont on dispose pour garantir la bonne santé. Et nous en savons aujourd’hui assez, confirme Jeffrey Blumberg, pour faire enfin des recommandations efficaces. »
Vous trouverez sur LaNutrition.fr les résultats des études les plus récentes, traduites en recommandations par des chercheurs indépendants qui font autorité dans leur domaine. Leurs recommandations ne sont pas la garantie que vous échapperez aux maladies liées à l’âge, ni que vous rejoindrez Jeanne Calment, mais au moins aurez-vous mis toutes les chances de votre côté…